Fiscalité et comptabilitéjuillet 24, 2017

Quelles sont les exigences à l’égard des retenues à la source pour les employeurs ayant des employés à l’étranger

Plusieurs entreprises ou organismes requièrent les services d’employés non-résidents dans divers pays. C’est le cas notamment des organismes de développement international qui rémunèrent des employés à l’étranger pour rendre des services sur place. Qu’en est-il de l’obligation pour des employeurs canadiens à l’égard des retenues à la source pour des employés non-résidents qui font du travail à l’étranger? Qu’en est-il lorsque l’employeur canadien invite ses employés non-résidents pour un congrès annuel ou une séance de travail au Canada? La question s’est récemment posée alors que plusieurs organismes ou entreprises tentent de venir en aide à des pays touchés par la guerre civile, la famine ou la pauvreté. Plusieurs employeurs canadiens participent à des missions humanitaires et se doivent d’être bien avisés avant de commencer des démarches d’embauche à l’étranger. En vertu de l'alinéa 153(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu («LIR»)(1), toute personne qui verse un traitement, un salaire ou une autre rémunération à l'égard d'une charge ou d'un emploi exercé au Canada est tenue de retenir, de verser et de déclarer la somme fixée selon l'article 102 du Règlement de l’impôt sur le revenu («RIR») à l'Agence du revenu du Canada («ARC»). Cette obligation de retenue à la source existe quel que soit le lieu de résidence de l'employé et de la société payante, l'emplacement du service de paie ou l'endroit où sera déposée la paie. Les politiques administratives de l'ARC prévoient que la rémunération versée à des non-résidents qui rendent des services au Canada est assujettie aux mêmes obligations en matière de retenue, de versement et de déclaration que la rémunération versée aux employés qui sont des résidents du Canada(2). Il n'existe aucun seuil minimum quant au montant de la rémunération ou au nombre de jours de travail au Canada pour lequel l’employeur n'aurait pas à prélever de retenues. L'obligation de retenue incombe à l'employeur même si l'employé non-résident exerce des fonctions au Canada pendant une seule journée, à moins que celui-ci ait obtenu au préalable une dispense de retenue d'impôt ou que l'employeur soit admissible à l'exception prévue pour les employeurs non-résidents admissibles. L'employeur est tenu d'effectuer les retenues à la source sur tous les types de rémunération versés à l'employé, y compris sur les avantages imposables(3). Dans le cas d'un employé non-résident, lorsque les services sont effectués en partie au Canada et en partie à l'extérieur du Canada, le payeur est alors tenu de calculer la rémunération de source canadienne. Il s'agit de déterminer, sur une base raisonnable, quelle partie de la rémunération de l'employé est attribuable à des services rendus au Canada. Cette attribution est généralement faite au prorata des journées de travail effectuées au Canada sur le total des journées travaillées dans une année. On considère de façon générale qu’une personne exerce les fonctions de son emploi à l'endroit où elle se présente physiquement pour exercer ses fonctions pour lesquelles elle reçoit une rémunération(4). Cependant, en vertu de l'alinéa 104(2)b) RIR, la rémunération payée à un employé non- résident n'est pas assujettie à la retenue si le travail de cet employé n’est pas effectué «physiquement» au Canada. Dans ces circonstances, il n’y a pas de formulaire ou de demande à compléter par l’employeur. Par conséquent, suivant le paragraphe 104(2) RIR, l’organisme canadien qui emploie un non-résident qui effectue «physiquement» un travail dans un autre pays que le Canada n’a pas d’obligation de retenue d’impôt en vertu du RIR et de la LIR. Dans l’éventualité où l’employé non-résident vient travailler quelques jours au Canada pendant une année fiscale, les obligations de l’employeur pourraient être différentes selon les circonstances. Tel que mentionné plus tôt, l'obligation de retenue incombe à l'employeur si l'employé non-résident exerce des fonctions au Canada, même s’il s’agit d’une seule journée, à moins que celui-ci ait obtenu au préalable une dispense ou que l'employeur soit admissible à l'exception prévue pour les employeurs non-résidents admissibles. L'employeur peut donc se décharger de son obligation d’effectuer des retenues d’impôt s’il répond à l’une de ces conditions:

  1. la convention fiscale entre le Canada et le pays où réside l’employé prévoit que l’employé non-résident n’est pas redevable d’un impôt au Canada selon certaines conditions (par exemple, l’employé est au Canada moins de 183 jours, le montant de la rémunération est moins de 10 000 $ ou 5 000 $ ou le payeur n’a pas d’établissement stable au Canada);
  2. l’employeur est un non-résident admissible («employeur certifié») et l’employé est un non-résident admissible; ou
  3. l’employé ou l’employeur a préalablement fait une demande de dispense en vertu de l’article 102 RIR (Formulaire R102-R) puisque l’employé est:
    1. un résident des États-Unis et l’employé prévoit gagner un revenu n'excédant pas 10 000 $ CAN; ou
    2. un résident d’un autre pays qui a conclu une convention fiscale avec le Canada et l’employé prévoit gagner un revenu n'excédant pas 5 000 $ CAN.

Par conséquent, selon le pays de résidence de l’employé, l’employeur pourra se décharger ou non de son obligation d’effectuer des retenues d’impôt en ce qui a trait au travail effectué par cet employé au Canada pour une courte période. Depuis le 1er janvier 2017, l’ARC a aboli sa politique administrative à l’égard des employés non-résidents assistant à un congrès au Canada. Ainsi avant cette date, il était possible pour un employeur canadien de se décharger de son obligation de retenue à la source à l’égard d’un employé non-résident qui venait assister à une conférence au Canada. À compter de maintenant, un employé venant au Canada pour une courte formation ou un congrès selon les exigences de son employeur canadien et qui reçoit une rémunération pendant son séjour au Canada, cet employeur devra s’acquitter de ses obligations afin d’effectuer des retenues à la source auprès de son «employé-visiteur». Il est donc primordial pour un employeur de vérifier l’existence d’une convention fiscale entre le Canada et le pays de l’employé non-résident afin de déterminer s’il pourrait tout de même bénéficier d’une dispense ou s’il pourrait se qualifier comme employeur certifié. Il ressort des différentes conventions fiscales, en ce qui a trait aux règles d’imposition du salaire, traitements et autres rémunérations pour les employés non-résidents, des principes assez similaires:

  1. Lorsque l’employeur a un établissement au Canada et qu’il y fait venir son employé pour quelques jours, il aura, dans la majorité des cas l’obligation d’effectuer des retenues à la source sur la rémunération versée pendant cette période;
  2. Lorsque l’employeur n’a pas un établissement au Canada et qu’il y envoie son employé pour quelques jours (moins de 183 jours dans une année), il n’aura pas, dans la majorité des cas, l’obligation d’effectuer des retenues à la source sur la rémunération versée pendant cette période;
  3. Il n’est pas rare également de constater que certaines conventions vont limiter le nombre de jours quant à la présence au Canada ainsi que la rémunération associée à cette présence (rémunération limitée à 2 500$, 5 000$ ou 10 000$);

En ce qui a trait à la possibilité de faire la demande d’une dispense en vertu de l’article 102 RIR, celle-ci est basée sur l’exemption prévue aux conventions fiscales. Par conséquent, dans l’hypothèse où le Canada n’a pas signé de convention fiscale avec le pays visé, la règle générale relativement à la retenue, tel que discuté plus haut, sera applicable. Enfin, il ne faut pas oublier qu’en raison de l'article 200 RIR, l'employeur doit remplir et produire une déclaration de renseignements annuelle au plus tard le dernier jour de février de l'année civile suivante afin de déclarer la rémunération de source canadienne versée à ses employés ainsi que les montants retenus sur celle-ci. Cette exigence doit être remplie même si le revenu est exempté d'impôt canadien en vertu d'une convention et peu importe si l'ARC a accordé une dispense de retenues ou si l'employeur est admissible à l'exception concernant les employeurs non-résidents. Des pénalités et des intérêts pourraient être imposés si cette exigence n’est pas remplie. En conclusion, il est important de consulter vos professionnels avant d’inviter vos employés non-résidents à venir faire une petite visite au Canada!

  1. Art. 1015 de la Loi sur les impôts du Québec («LI»).
  2. ARC, Circulaire d'information IC75-6R2, «Retenue d'impôt obligatoire sur les montants versés à des non-résidents pour des services rendus au Canada», 23 février 2005.
  3. Art. 100 RIR.
  4. ARC, Interprétation technique 2012-0440411E5, «Performing services in Canada», 7 décembre 2012.
Me Julie Gaudreault-Martel
Avocate, Associée BCF
Avocate, Associée chez BCF s.e.n.c.r.l.
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